L’allaitement de jumeaux peut être un vrai challenge pour les mamans et beaucoup de facteurs peuvent influencer leur décision de démarrer (et de poursuivre) un allaitement maternel.
On connaît assez bien, pour une naissance simple, et pour différentes régions du monde, les taux d’allaitement à la naissance, à 6 mois et les facteurs impliqués dans le sevrage avant les six mois préconisés. Mais qu’en est-il pour les mamans de jumeaux ? Connait-on les taux d’allaitement et les facteurs poussant les mamans à arrêter plus tôt que prévu ? Une étude parue récemment (2018) dans « Journal of Human Lactation » fait le point sur la question.
Les auteurs passent en revue quelques études passées qui se sont intéressées à cette thématique. Il en ressort en général que les principaux facteurs associés au sevrage chez les jumeaux sont :
– le manque de lait (ou la perception du manque de lait),
– le retour au travail,
– un manque de soutien,
– des problèmes de santé d’un enfant,
– une mère plus âgée,
– des problèmes de santé de la mère,
– la prise de médicaments pour la mère,
– la fatigue de la mère,
– la perception de l’allaitement comme quelque chose de fatiguant (une charge),
– les comportements des enfants,
– l’usage du tabac.
Les auteurs ne donnent pas plus de détails sur ces facteurs rapportés dans la littérature mais il me semble que ce sont des facteurs classiques qu’on retrouve aussi chez les mamans d’enfant unique. Peut-être (sûrement) sont-ils exacerbés dans le cas d’allaitement de jumeaux.
Alors les auteurs ont décidé d’y regarder d’un peu plus près, en étudiant le cas de figure du Brésil, leur pays. Il peut y avoir des différences entre les taux d’allaitement entre pays dues aux différences démographiques ou caractéristiques socioculturelles. Le Brésil est un pays émergent avec des taux de naissances gémellaires en augmentation* (augmentation de 1,82% à 2,03 % entre 2005 et 2015) : il peut donc être intéressant à la façon dont se passe l’allaitement de jumeaux pour cette population.
*L’âge maternel qui augmente au moment de la naissance, est connu comme un facteur de risque de grossesse multiple.
Ainsi, l’étude de données s’est faite sur la base d’interviews de 128 jeunes mamans allaitantes brésiliennes de Sao Paulo (pendant leur grossesse puis jusqu’aux 6 mois de leurs enfants) avec des questions ouvertes et fermées.
Quel profil pour ces mamans ?
Elles ont en moyenne 29 ans (28,88 ans exactement) et plus de la moitié d’entre elles ont un emploi et travaillent en moyenne 7,65h par jour. Plus de la moitié des mamans interrogées avaient un enfant plus âgé (54,7 % d’entre elles) et parmi celles-ci 94% avaient une première expérience d’allaitement d’une durée moyenne de 10 mois.
En ce qui concerne l’allaitement, pratiquement toutes les mamans avaient bénéficié d’une aide pendant leur allaitement mais le taux d’allaitement exclusif jusqu’aux six mois des jumeaux n’est que de 17%.
Qu’est-ce qui a poussé les mamans à arrêter l’allaitement avant les 6 mois des bébés ?
Selon les mamans, les principales raisons évoquées sont un manque de lait, les comportements (pleurs accrus) des bébés et le retour au travail.
Il est probable que les mamans associent les pleurs excessifs de l’enfant à la faim et donc imaginent un apport insuffisant en lait maternel. Elles se sentent généralement peu préparées à devoir allaiter deux bébés en même temps.
L’expérience qui fait toute la différence.
Il apparaît une corrélation forte entre le sevrage des jumeaux et le fait d’avoir allaité un premier enfant moins de un an. Les mamans qui ont une expérience passée avec l’allaitement, sont quand même significativement mieux préparées pour l’allaitement suivant qui se passe mieux et donc une première expérience est vraiment significative et peut avoir des effets positifs sur l’allaitement de jumeaux.
Comment l’expliquer ?
Bien sûr, à la fois pour les nullipares et multipares, la grossesse gémellaire est une expérience fatigante, source de stress, d’épuisement qui peut conduire à une diminution dans la production d’ocytocine. Ce dernier point est donc à relier à une plus grande difficulté à produire du lait et à la capacité amoindrie d’allaiter. Mais force est de constater qu’avoir déjà allaité donne les clés aux mamans pour comprendre le processus impliqués dans l’allaitement ce qui réduit globalement leur stress : elles savent qu’elles sont capables de le faire.
Les mamans évoquent aussi les difficultés dans leur allaitement de jumeaux et le manque de soutien que ce soit pour s’occuper de l’ainé, pour les travaux ménagers ou pour corriger leur technique d’allaitement. Lorsqu’elles sont aidées, les mamans peuvent mieux gérer la demande en temps pour l’allaitement des jumeaux, et se sentent aussi plus en « sécurité ». Encore une fois, moins de stress s’accorde avec le succès de l’allaitement.
Les auteurs notent également l’influence du poids des bébés à la naissance. Lorsqu’ils sont de petit poids (moins de 2 kg 300), le sevrage précoce est plus systématique. Mais ils ne commentent pas vraiment ce facteur. Peut-être est-ce à relier au fait que le bébé est moins actif à prendre le sein ou que sa une succion est moins efficace, bref c’est donc plus difficile pour la maman.
Un autre facteur marquant est la voie d’accouchement. Dans l’étude citée ici, 80% des mamans ont accouché par césarienne. Or, il est assez bien connu que les douleurs abdominales liées à ce mode d’accouchement et la plus lente récupération, jouent un rôle négatif dans le démarrage et la poursuite de l’allaitement. Dans le cadre de cette étude, cela ne semble pas avoir influencé la décision du sevrage.
Qu’en conclure ?
Les facteurs mis en évidence dans le cadre de cette étude sont, je pense, assez classiques. Les mamans de jumeaux sont particulièrement sensibles au risque de sevrage prématuré (par rapport à l’objectif qu’elles s’étaient fixé) et ce, surtout s’il s’agit d’une première expérience. Elles ont vraiment besoin d’un soutien sans faille, ce qui n’est malheureusement pas toujours possible.
Et vous les mamans de jumeaux, avez-vous pu bénéficier d’aides particulières, soit de la famille, d’une amie, d’une consultante en lactation, de sages-femmes, de réseaux ou de personnel de santé qualifié ?
Référence :
Ferreira Mikami F. C. et al., « Breastfeeding Twins: Factors Related to Weaning », Journal of Human Lactation, 2018, DOI: 10.1177/0890334418767382
Un article particulièrement intéressant que je m’empresse de mettre dans mes favoris merci beaucoup c’était une bonne lecture ce matin malgré je n’ai pas de jumeaux mais j’ai par contre allaité mes enfants.
Merci à bientôt
Merci 😉
L influence du poids faible à la naissance et allaitement plus court s explique par le personnel medical qui oblige a prendre du mait maternisé en complément… le plus souvent au biberon… ce qui fait baisser la lactation etc etc
… ici mes amours de 2 ans sont tj allaités 🙂 allaiter des jumeaux c’est possible!! Le plus gros obstacle? Le manque de connaissance en allaitement du personnel medical, des sages femmes, des pédiatres…
Merci pour votre partage d’expérience et bravo pour ce bel allaitement !
Je suis sidérée qu’on en soit encore là en 2018 !
J’ai l’impression que (en France en tout cas), le facteur « aggravant » dans l’allaitement de jumeaux (ou plus), c’est le fait que les professionnels de santé le plus souvent ne croient pas eux-mêmes qu’il soit possible d’allaiter plusieurs bébés. Du coup, là où les mamans de jumeaux auraient besoin d’être encore plus soutenues que les autres pour réussir leur allaitement, elles le sont le plus souvent encore moins…
Pour le facteur du poids, il complique la mise en route de l’allaitement parce qu’avec des bébés de petits poids, les médecins/puers/etc, vont venir mettre encore plus la pression sur la mère pour que les bébés grossissent beaucoup et vite, d’où l’introduction de compléments qui mettent souvent fin à l’allaitement à plus ou moins court terme.
Bonjour,
Merci pour cette article très intéressant !
Je suis mamans de jumeaux que j’ai allaités et je côtoie chaque jour des mamans de jumeaux qui allaitent sur le groupe facebook que je gère, je suis tout-à-fait d’accord avec votre analyse (ainsi qu’avec les commentaires différents), en soi, allaiter des jumeaux n’est vraiment pas plus compliqué, mais je vois que le problème principale est le manque de confiance qu’on ses mères en elles-mêmes et évidemment la confiance qu’elles ne reçoivent pas de l’entourage et des professionnels de santé.
Le plus souvent il n’y a pas de vrai problème d’allaitement, quelques mots d’encouragement, un ou deux « trucs » transmit, et l’allaitement se met à rouler comme par magie… 🙂
Je pense que c’est la même chose pour les mamans d’un seul bébé, c’est juste que là c’est accentué parce que beaucoup de gens pensent que c’est impossible d’allaiter des jumeaux + le fait qu’ils sont plus rapidement complémentés (au bib).
Je suis belge, mes jumeaux de deux ans tètent et je rejoins totalement Vada.
Heureusement que j’avais l’experience de mes deux premiers allaitements réunis et le soutien de ma sage femme libérale car à la maternité ils nous découragent tout à fait.
Ils m’obligeaient à tirer mon lait pour mesurer la quantité donnée comme j’avais des poids plume. Ça nous épuisait tous les trois puisque pas de repos entre tirer, donner à l’un, donner à l’autre (et pas d’infirmière pour aider puisque j’avais la chance d’echapper à la néonatale, on me le reprochait quand j’appelais); et ne stimulait pas ma lactation. Ma gynécologue m’a même dit que j’affamais mes enfants et m’epuisais pour rien et a failli leur donner un biberon de force. Heureusement que j’avais assez de confiance en moi et en eux pour protester vigoureusement.
Mais il y a aussi des sages femmes très compétentes qui font confiance à la vie et aux mamans même en hôpital. Une de ses fées m’a permis de donner le sein directement en pesant avant après (même si ça ne reflète rien) juste pour avoir des chiffres rassurants pour l’équipe sans m’epuiser à tirer pour donner. Je la chéri. Merci. A partir de ce moment tout s’est réglé tout seul. Je suis contente de pouvoir allaiter mes deux bébés en même temps plutôt que de préparer des biberons qu’il faut donner tout à tour. Cela m’a permis d’avoir du temps pour mes aînés aussi. Il y a des choses plus faciles aussi dans l’allaitement de jumeaux, par exemple ne pas devoir se demander à quel sein bébé à têté en dernier… Et le hamac et le coussin spécial jumeaux sont tellement plus cools que les coussins d’allaitement classique que je les conseillerais volontiers aux mamans de singleton aussi 😉
Ce qui m’a énormément aidée aussi, c’est de moi boire et manger sainement avant de nourrir, en complément des poudres pour sportif de haut niveau riches en magnésium vendues en pharmacie et conseillées par ma sage femme, des mp3 d’hypnose pour dormir profondément même quand je n’avais que dix minutes (Google: Camille Griselin par exemple). Je crois que le coallaitement a même sauvé mon plus petit. Car il n’avait plus assez de force pour téter, même à la seringue. Tandis que là quand son frère plus vigoureux tétait il n’avait qu’a ouvrir la bouche et la magie du réflexe opérait. Courage