Dans le précédent article, nous avons fait le point sur quelques constituants du lait humain. Voici quelques compléments sur la façon dont le lait est élaboré.
Comment se fait la fabrication des éléments de base du lait humain, selon quelle recette ?
Constituants et processus de fabrication
Comme nous l’avons vu, le lait contient des glucides c’est-à-dire des sucres, des protéines, des lipides mais aussi de l’eau, des minéraux et vitamines ainsi que (spécifiquement dans le lait de femme) des enzymes digestives et des anticorps.
L’eau et tous les éléments solubles (petites protéines, sels minéraux, vitamines hydro-solubles) sont issus du sang maternel et arrivent directement dans le lait (processus que nous ne décrirons pas ici). Il n’y a donc pas à attendre quelque processus de fabrication que ce soit, tout est prêt et arrive tout de suite en début de tétée ce qui présente l’avantage d’assurer une hydratation efficace dès les premières gouttes.
Les autres constituants vont se fabriquer en continu selon une recette bien précise (recette unique selon l’espèce) : il s’agit du lactose (le sucre donc), des protéines (la caséine du lait) et des graisses (des triglycérides principalement).
Le lactose est un disaccharide (deux molécules de glucose assemblées – dont l’une est « retournée »-) de formule C12H22O11, sachant que le glucose correspond à C6H12O6. Bien qu’il s’agisse d’un sucre, son pouvoir sucrant est assez faible.
Ci-dessous la représentation des 3 molécules (glucose, galactose(=glucose retourné) et lactose)
Sous l’action de deux enzymes (i.e. des protéines qui déclenchent des réactions), une transformant le glucose de la mère en galactose, l’autre « branchant » les deux molécules, le lactose est produit : c’est donc une transformation rapide. Très hydrophile (il aime l’eau), le lactose s’entoure d’eau et des éléments qui y sont solubles, quitte la cellule où il est fabriqué et se stocke dans les alvéoles (présentées dans un article précédent). Cette transformation n’étant pas trop compliquée, le lactose sera prépondérant en début de tétée.
Comme nous l’avons déjà évoqué ICI, parmi toutes les espèces de mammifères, le lait humain est l’un des plus riches en lactose, particulière utile pour le développement du tissu cérébral.
La caséine, tout comme chaque protéine, est un assemblage complexe et rigoureux à partir de milliers d’acides aminés (AA), unités de base (choisis précisément selon l’espèce de mammifère parmi les 20 dont le corps dispose). La fabrication est donc plutôt longue et compliquée : il y a ajout successif d’AA à une protéine en cours de synthèse. Ce processus nécessite de nombreux enzymes pour sélectionner, aligner, rapprocher, assembler et l’ordre dans lequel un AA est ajouté est déterminé par le code génétique de l’espèce. Pour cela, ces protéines sont spécifiques de l’espèce.
Les autres protéines principales sont : l’alpha-lactalbumine (productrice de lactose), la lactoferrine (absorption intestinale du fer, agent anti-infectieux) et l’immunoglobuline (protéines qui favorisent la production d’anticorps).
La synthèse n’étant pas simple et immédiate : la quantité de protéines est faible en début de tétée et augmente ensuite progressivementLa fabrication des graisses se fait à partir des acides gras présents dans le sang de la mère- de longues chaînes carbonées, hydrogénées). Elle nécessite beaucoup de transformations « lourdes » afin en particulier de grouper les acides gras en trois bandes parallèles qui forment des triglycérides (entre autres).
Ce sont donc de grosses molécules (encombrement stérique fort), non solubles dans l’eau qui se trouvent « emballées » dans des sacs…un peu difficiles à faire circuler, et à éjecter (les pompes que constituent les cellules myoépithéliales (expliquées ici) ont fort à faire).
En conséquence, les graisses n’apparaissent qu’en fin de tétée. Ceci explique l’intérêt de ne pas stopper la tétée trop tôt (changement de côté par exemple) afin de ne pas priver le bébé des graisses qui font le contenu calorique principal du lait.
Ex d’acide gras
Parmi les autres graisses, citons également les lipides à liaison « trans » (cf article ICI)
Enfin, un autre élément qui accompagne les graisses du lait humain est « la lipase » : une enzyme qui casse les graisses en petites globules, facilement assimilables. Idéal pour les bébés prématurés ayant besoin d’un apport énergétique important mais qui ont un système digestif peu mature.
Ainsi, voilà pourquoi la nature du lait évolue au cours d’une tétée. D’abord les petites molécules déjà présentes puis celles qui sont faciles à fabriquer et enfin les grosses molécules caloriques (le dessert de graisses de fin de tétée).
Alors pour analyser le contenu d’un lait, un échantillon fait des premières gouttes sont tout à fait insuffisantes, car elles ne sont pas représentatives de la nature du lait réellement produit tout au long d’une tétée. Voilà pourquoi, bon nombre de jeunes mamans (fort heureusement de moins en moins) s’entendent dire « tu es sûre que ton lait est assez riche ? »
Les différents constituants du lait dont nous venons d’évoquer le processus de fabrication sont comme nous l’avons évoqué spécifiques d’une espèce (en proportion et en qualité). La qualité du lait (ainsi que la façon dont il est éjecté dans la bouche du « petit ») est ainsi spécialement adapté au mode de vie du mammifère afin d’assurer un maximum de chances de survie à la progéniture. Il s’en suit que les laits ne sont donc pas échangeables d’une espèce à l’autre ou du moins sans une adaptation préalable (et encore !).
Quelques exemples de spécificités des laits
Les mamans phoques produisent du lait à forte teneur en graisse afin de constituer aux petits une forte épaisseur de graisse permettant de lutter rapidement contre le froid.
Le lait humain est lui, fort riche en éléments qui favorisent la croissance du cerveau (élément clé pour la survie de l’homme).
Le lait de vache est lui beaucoup plus riche en protéines (à quantité quasi équivalente en graisses), ce qui permet au petit veau de doubler son poids de naissance en 50 j (180 j chez l’homme) et d’être autonome assez vite. Pourquoi cette différence ? parce que pour le développement optimal du cerveau du bébé humain, il est nécessaire d’avoir beaucoup d’interactions avec sa mère et son environnement : bébé ne doit donc pas grossir trop vite, afin de faciliter le portage et les soins proches.
Bref, maman mammifère, espèce humaine ou animale, est bonne cuisinière.
Pour en savoir plus :
“Differential Growth Patterns Among Healthy Infants Fed Protein Hydrolysate or Cow-Milk Formulas.”
Julie A. Mennella, Alison K. Ventura, and Gary K. Beauchamp.
Pediatrics, published online 27 December 2010.
DOI:10.1542/peds.2010-1675
Livre du Dr M. Thirion : « L’allaitement, de la naissance au sevrage. http://fr.wikipedia.org/wiki/Lait_maternel http://fr.wikipedia.org/wiki/Acide_amin%C3%A9 http://www.sciencedaily.com/releases/2010/04/100419132403.htm http://www.sciencedaily.com/releases/2008/09/080929092213.htm http://www.sciencedaily.com/releases/2008/08/080811094951.htm http://www.enotalone.com/article/3610.htmlhttp://www.askdrsears.com/html/2/t020200.asp (“Breastfeeding builds brighter brains”)
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